mardi 7 janvier 2014

Orpaillage illégal en Guyane
D'étonnement en questionnement … et de constater que la Guyane, finalement, tout le monde s'en fiche !
Alors qu'une nouvelle étude sur les taux mercuriels vient d'être menée en Guyane en 2013 auprès de populations Wayana (lien) répondant à une précédente menée dès 1994, qui à l'époque alertait sur les taux de contamination au mercure des mêmes populations, il est à nouveau pénible de constater le silence du Ministère de la Santé sur un drame sanitaire qui touche la Guyane et ses populations de l'intérieur depuis 20 ans, ayant pour cause l'orpaillage illégal.
Une alerte au chikungunya et voilà tout le monde en émoi, même en Guyane, (lien) et les mesures sont immédiatement prises pour enrayer ce futur fléau (1 cas recensé en Guyane) qui, horreur, menacerait les Etats Unis (lien). Le Ministère de la Santé, depuis 20 ans, ferait-il dans la classification des cas de santé publique, décidant de l'urgence des unes et de l'oubli des autres. Une épidémie de gastro en métropole fait l'objet de bien plus d'attention ! Sauf que là ce n'est pas une épidémie, c'est un empoisonnement ; même François Hollande lors de sa visite présidentielle à prononcer ce mot -empoisonnement- lors de son discours à Mana ! Ceci n'est-il pas un cas URGENT de santé publique.
Il faut rappeler aussi que la France a signé la Convention de Minamata en octobre 2013 (lien), convention internationale visant à supprimer définitivement la production et l'utilisation du mercure au niveau mondial. Chouette ! Mais là où ça se corse, encore une fois, c'est que les premières propositions effectuées semblent concerner prioritairement l'utilisation du mercure dentaire (lien)… nos frères amérindiens apprécieront, à nouveau, ce traitement par l'ignorance.
Tout comme nous apprécions, mais cette fois sans ironie, que l'OMS se fâche (lien) et tacle la France pour son absence de volonté à lutter efficacement contre le paludisme en Guyane. C'est vrai que lorsqu'on apprend qu'à cause de ce laxisme le palu devient de plus en plus résistant aux médicaments, il y a de quoi piquer une colère. Là aussi : chut, silence du Ministère de la Santé. Silence encore une fois curieux car ce phénomène est aussi lié à l'orpaillage illégal en Guyane et les 15 000 garimpeiros (chercheurs d'or clandestins venus généralement du Brésil) éparpillés sur le territoire.
Et on continue sur les silences, cette fois concernant le Sida (un domaine relevant aussi du Ministère de la Santé ... décidément !). La Guyane est bien identifiée comme une des régions de France les plus touchées ... mais on oublie de préciser, à nouveau, que l'orpaillage illégal est un facteur de contamination. Quand on sait ce qui se passe sur un camp d'orpailleurs illégaux, avec sa drogue et ses bordels, on devrait logiquement savoir que le Sida rôde, contamine ... et tue (lien).
Parallèlement, ces derniers jours, le Comité français de l'UICN publie un ouvrage intitulé " Biodiversité d'outre-mer " (lien), qui présente les dernières découvertes scientifiques dans le domaine de la biodiversité (terrestre et marine) dans les territoires et collectivités françaises d'outre-mer ; cet ouvrage présente aussi les actions mises en oeuvre pour la protection de cette exceptionnelle biodiversité. En conclusion, il est précisé que grâce à nous, les outre-mers, « la France porte une responsabilité de premier plan au niveau mondial pour enrayer l'extinction de la biodiversité . Elle doit accentuer ses efforts dans ces territoires si elle veut atteindre les objectifs d'Aïchi en 2020 et respecter ses engagements internationaux auprès de la Convention sur la diversité biologique. ». Du coup l'étonnement et le questionnement revient : peut-on prétendre protéger une biodiversité lorsque celle-ci est déjà saccagée par l'orpaillage illégal sur le sol guyanais ? On nous parle d'engagement à respecter dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique (lien). Et là, le doute s'installe, toujours, car voici ce que l'on lit sur le PDF de présentation des stratégies et objectifs d'Aichi :



Oui, oui : « prendre des mesures efficaces et urgentes » … L'orpaillage illégal et ses dégâts font-ils partie des urgences ?  Et dans ce cas quelles mesures efficaces ont été prises à ce jour, sachant que ce désastre dure depuis 20 ans ? Le Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable est-il bien au courant de notre situation : silence aussi !

Les seules actions à ce jour entreprises par la République Française pour lutter contre l'orpaillage illégal : Anaconda puis Harpie. Cependant, force est de constater que les actions des forces de l'ordre ne sont plus adaptées face à l'avidité des garimpeiros qui font preuve d'une incroyable faculté d'adaptation pour déjouer les missions des forces de l'ordre. Mais il est important de préciser que ces pilleurs d'or sont particulièrement bien organisés et disposent de filières parfaitement structurées. A peine sortis de Kourou, les militaires en action sont immédiatement repérés et l'alerte est donnée par les "sonnettes" recrutées à cet effet.
Le Général de gendarmerie en poste actuellement en Guyane a même reconnu illusoire de croire que les opérations Harpies pourraient enrayer l'orpaillage illégal (lien). Cette « fuite » dans la presse locale guyanaise est intervenue quelques jours après la présentation du bilan 2013 sur l'orpaillage illégal en Guyane effectuée par la Préfecture, le procureur, la gendarmerie, les douanes, l'ONF, la DEAL, le PAG (Parc Amazonien de Guyane). C'était le 6 décembre 2013. La publication récente sur internet du document de présentation (lien) a été largement commentée en Guyane. Il faut préciser que ce type de bilan était demandé et attendu depuis 7 ans.
Lors de la visite présidentielle le 13 et 14 décembre 2013, il a fallu faire un peu de bruit pour que l'orpaillage illégal soit abordé. En effet, ce dossier majeur pour nous, du ressort de plusieurs Ministères et affectant toute l'économie guyanaise, n'était même pas à l'ordre du jour. Mais les réponses fournies n'ont pas été à la hauteur des espérances ... "on s'en occupe" a répondu à plusieurs reprises François Hollande alors qu'il serrait quelques mains de citoyens inquiets et abordant le sujet ... "les moyens financiers ne seront pas augmentés pour Harpie" a répondu le conseiller du président qui a finalement reçu la délégation des Hurleurs de Guyane ...
Maintenant, et pour finir, on nous explique que la seule solution pour faire fuir les garimpeiros, c'est d'occuper le terrain avec des opérateurs miniers légaux et développer l'éco-tourisme … Quant aux petits cadeaux que vont nous laisser les garimpeiros derrière eux ...

les opérateurs miniers légaux et bien sûr les touristes seront ravis de participer au futur plan global d'assainissement prévu (évidemment qu'il a été prévu!) pour redonner à notre spectaculaire biodiversité, vitrine de la France au niveau mondial, la place qu'elle mérite. Quant à la taxe « pollueur/payeur » celle-ci n'a probablement pas été prévue dans l'accord transfrontalier franco-brésilien de 2008 tout juste signé par le Brésil en décembre dernier lors de la visite présidentielle de François Hollande.


Avons-nous fait le tour ? Non, certainement pas, il reste des témoignages à recueillir  car les informations glanées à ce jour, de manière officieuse, sont particulièrement alarmantes et feront dresser des cheveux sur certaines têtes. Mais il est fort à parier que d'autres billets de ce type seront prochainement publiés … jusqu'à ce qu'on cesse d'ignorer la Guyane et ses drames liés à l'orpaillage illégal.

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